LE PROCESSUS CREATIF DU PEINTRE
Pratique et techniques du dessin chez Lenepveu
Comme pour tout artiste du 19e siècle, le dessin constitue le fondement de la formation de Lenepveu, depuis les cours de l’école centrale d’Angers, en passant par ceux de l’École des beaux-arts de Paris, jusqu’à ceux de l’Académie de France à Rome. Cette pratique du dessin ne le quittera pas.
Les musées d’Angers conservent un fonds exceptionnel de 965 feuilles de l’artiste. Les dessins de formation (académies, études d’après l’antique, copies d’après les maîtres ou encore études d’architecture, de paysage) côtoient les dessins préparatoires aux œuvres peintes.
Lenepveu privilégie quatre techniques : le crayon graphite, l’aquarelle, la sanguine et le fusain. L’artiste en change en fonction de son objectif : un dessin précis d’une forme, une évocation colorée d’un décor de palais ou d’un paysage, une étude pour un portrait ou encore la création d’un carton en vue d’un grand décor peint.
L’antique : la statuaire rendue par le crayon et les fresques révélées par l’aquarelle
L’étude de l’antique est un exercice majeur de la formation des artistes jusqu’à la première partie du 19e siècle. L’antique sert de guide pour connaître les justes proportions et les belles formes notamment dans la représentation du corps. Mais déjà à l’époque de Lenepveu, les artistes commencent à remettre en cause cette prédominance pour privilégier l’étude de la nature.
Et effectivement, la soixantaine de dessins d’après la statuaire antique de Lenepveu ne témoigne pas d’un grand enthousiasme pour le sujet. Cependant, l’emploi du crayon graphique révèle une volonté d’une étude appliquée et précise des formes et des volumes.
Lenepveu a préféré réaliser des aquarelles directement d’après des fresques lors de son voyage à Pompéi entre août et septembre 1849. L’artiste recherche alors à retenir, non les formes qui sont imprécises, mais bien une impression colorée des fresques.
Ménandre, statue antique du Vatican
Crayon graphite sur papier vélin crème, 43,3 x 49,5 cm, inscription : signé en bas à gauche sur la plinthe : "J E. Lenepveu" ; localisé et daté, en bas à gauche sur l’autre bord de la plinthe : « ROMA GENNAIO 1849" ; en haut à gauche, plusieurs calculs ; au verso : "M. Lenepveu", donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1926, Angers, musées, inv. MTC 5806.1.
Couple volant de la maison Dioscuri à Pompéi
Aquarelle et crayon sur papier vélin crème,40,3 x 32,4 cm, inscription : localisé et daté, en bas à gauche : "NAPOLI agosto 1849" ; localisé, au verso en haut : "POMPEI", donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1920, Angers, musées, inv. MTC 5606.
Ruines de Pompéi
Aquarelle et crayon graphite sur papier vélin bis, 27 x 43 cm, inscription : "POMPEI settembre 1849" ; au verso, inscriptions ultérieures : "54 + 39 / n° 1569", donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1926, Angers, musées, inv. MTC 5786.
La copie des maîtres : des études colorées ou des relevés stricts de composition
Les musées d’Angers conservent de Lenepveu quelque 275 copies d’œuvres réalisées soit d’après les originaux, soit d’après des reproductions imprimées.
Le peintre puise dans des périodes différentes qui reflètent ses goûts artistiques. Il privilégie les artistes de la Pré-Renaissance, comme Fra Angelico ou Giotto, ou ceux de la Renaissance, comme Raphaël qui influenceront ses grands décors religieux, tout comme d’ailleurs les mosaïques de style byzantin de Ravenne.
Seules quelques feuilles sont en couleur, la majorité sont des études au crayon graphite souvent sur calque. En effet, les pensionnaires à Rome s’échangent des dessins et les recopient sur calque pour se constituer des répertoires de formes et de motifs.
Milan, fresque de Sainte Catherine mise au tombeau par des anges, d'après LuiniBernardino
Aquarelle, crayon graphite et peinture dorée sur papier vélin crème, 23 x 40 cm, inscription : en bas à droite : "d'après Louini (Milano /1851" ; au verso : "bristol gris clair / cadre 249 / 6 de marge / Mme Gay", donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1920, Angers, musées, inv. MTC 5610.
Les deux anges chassant Héliodore et ses soldats du temple, d’après la fresque de la Chambre d’Héliodore au Vatican par Raphaël
Aquarelle et crayon graphite sur papier vélin bleu, 40 x 51 cm, inscription : signé, en bas : "J. E. Lenepveu", donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1920, Angers, musées, inv. MTC 5622.
Étude de mosaïque à Santa Maria Intrastevere
Crayon graphite et aquarelle sur papier vélin épais, 30 x 46 cm, inscription : localisé, en haut au centre : « Santa Maria-Intrastevere », donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1926, Angers, musées, inv. MTC 5797.45.
De somptueux décors d’édifices : des aquarelles très précises pour une possible réutilisation
Lenepveu s’applique à reproduire avec justesse des décors d’intérieurs de palais ou d’édifices religieux italiens qu’il pourra réutiliser plus tard dans sa peinture.
Certaines sont des aquarelles sur grandes feuilles d’un aspect très fini. Elles donnent une idée précise de la somptuosité du décor et des harmonies colorés. D’autres sont des relevés épurés au crayon parfois rehaussé de lavis.
Parallèlement à cette vingtaine d’études d’ensemble, Lenepveu s’attache à certains détails, comme une colonne polychrome ou encore des pavements, en notant avec précision leurs couleurs.
Palerme, chapelle palatine
Aquarelle et crayon graphite sur papier vergé épais crème, 25 x 33 cm, donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1920, Angers, musées, inv. MTC 5611.
Palerme, chapelle royale
Aquarelle et crayon graphite sur papier vélin crème, 46 x 28,5 cm, inscription : signé et daté, en bas à gauche : "J. E. Lenepveu / Palerma", donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1920, Angers, musées, inv. MTC 5612.
Étude de pavement à Assise
Aquarelle et crayon graphite sur papier calque, 45 x 57 cm, inscription : localisé et daté, en bas : "S. FRANCESCO DI ASSISI / 1949", donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1926, Angers, musées, inv. MTC 5804.3.
Les paysages et les vues d‘architecture : la découverte de l’Italie
Les paysages (environ 80 dessins) et les vues d’architecture (55 études) peuvent être répartis en deux ensembles : les dessins épurés au crayon graphite et les études libres et lumineuses à l’aquarelle.
Ces dessins dévoilent plus intimement un peintre émerveillé face aux beautés qu’il découvre en Italie. Comme beaucoup sont localisés et datés, ils nous permettent de retracer les itinéraires du peintre et de percevoir son intérêt pour une transcription exacte de la topographie, mais également son goût pour la nature et la couleur.
Sicile(détail)
Crayon graphite sur papier calque, 26,8 x 44 cm, inscription : localisé, en bas à gauche : "Sicile / Agrigente rempart occidental / d’après M Joinville", donation Charlotte de Viefville, nièce de l’artiste, en 1926, Angers, musées, inv. MTC 5801.109.
Tonnelle à Capri
Aquarelle, crayon graphite et gouache sur papier vélin épais crème foncé, 28,5 x 36 cm, inscription : daté et localisé, en bas à droite : "Capri, septembre 1849", Angers, musées, inv. 2002.112.1 récol.
Vue d'un port sur le Tibre
Aquarelle et crayon graphite sur papier vélin épais crème, 19 x 41,5 cm, legs Lefebvre de Viefville en 1965, Angers, musées, inv. 2002.108.1 récol.
Les dessins préparatoires : un processus créatif minutieux
Avant de réaliser une peinture, Lenepveu en étudie chaque détail à l’aide de dessins préparatoires.
Pour les portraits, il utilise le plus souvent la sanguine (craie ou crayon de couleur terre cuite), peut-être pour évoquer plus facilement la carnation des chairs. Il étudie le modèle dans la pose exacte qu’il aura dans la peinture.
Les grands décors peints nécessitent plusieurs étapes préparatoires. Lenepveu fixe d’abord la composition de la scène dans ses détails, ainsi que l’apparence et la pose des personnages sur des petites feuilles n’excédant pas la trentaine de centimètres. Il utilise le crayon graphite pour une plus grande précision du trait et également la sanguine.
Enfin, Lenepveu réalise les grands cartons dessinés. Ces derniers permettent à la fois de tester la composition grandeur nature, de transférer le dessin sur la surface à peindre (à l’aide des trous de poncif) et également de pouvoir la soumettre aux commanditaires. Cent-trente sont conservés aux musées d’Angers. Lenepveu utilise alors le fusain et la pierre noire qui permettent un dessin ample, rapide et d’un noir profond, facilement effaçable avant d’être fixé une fois le dessin fini.
Portrait de Victor Bertin pour Les Orphelins de la chapelle Sainte-Marie (détail)
Sanguine sur papier vélin bis collé dans un album, 26 x 19 cm, inscription : signé, à droite : "J. E. L." ; en haut à droite : " Victor Bertin / cheveux blonds / yeux bleus / debout 1er […]" ; inscription ultérieure, en bas à droite : "hospice d’Angers", legs Lefebvre de Viefville en 1965, Angers, musées, inv. 2005.0.24.49.
Carton poncif du visage de Calliope pour l'opéra Le Peletier (détail)
Fusain et trous de poncif sur papier vélin beige, 70 x 64 cm, Angers, musées, inv. 2020.0.13.18.
Étude de main pour une modification du carton de l'opéra Garnier
Fusain et rehauts blanc sur papier calque, avec points de cire pour coller au carton, 49 x 44 cm, Angers, musées, inv. 2010.0.140.