David à Victor Pavie, 20 mars 1852, de Bruxelles - Lettre

Désignation

David à Victor Pavie, 20 mars 1852, de Bruxelles

Lettre

Fonction de l'auteur

Rédacteur

Auteur

David d'Angers Pierre-Jean

  • Lieu de naissanceAngers
  • Lieu de décèsParis
  • Date de naissance1788, 12 mars
  • Date de décès1856, 5 janvier
  • Nationalité / CultureFrançaise
  • FonctionStatuaire
  • FonctionDonateur
  • FonctionSculpteur
  • Notice biographiqueSculpteur, il fut l'éleve de Delusse, de Jacques-Louis David, de Roland. prend le patronyme d'Angers quand la ville lui offre une pension, enverra en remerciement tous ces platres à Angers.
    Travailleur infatigable, David a parcouru la France et l’Europe pour réaliser sa galerie de portraits des Grands Hommes. Il a ainsi réalisé près de 55 statues, 150 bustes, 70 bas-reliefs, 20 statuettes et plus de 500 médaillons. Il fut une personnalité active dans la sphère culturelle de son époque, participant à divers salons mondains, faisant partie de plusieurs cercles, notamment maçonniques et phrénologiques, créant des liens avec la société littéraire et artistique, mais également avec des personnalités du monde des sciences et de l’industrie, rencontrant les personnalités fortes de son siècle : Goethe, Friedrich, Rauch, Paganini, Balzac, Hugo, Chateaubriand, Cuvier, Jefferson, etc. En 1826, il fut élu membre de l’Institut et devint professeur à l’Ecole des Beaux-Arts. Il fut également très engagé politiquement, exerçant des fonctions de maire et de député. « Je ne me suis jamais dissimulé quel sacrifice je m’imposais en acceptant ce mandat […] mais j’ai toujours pensé qu’avant être artiste, il fallait être citoyen, et tout homme qui penserait différemment serait un lâche » . Son engagement républicain lui valut l’exil lors du coup d’Etat du 2 décembre 1851. Il dut se réfugier à Bruxelles, puis en Grèce, voyage qu’il avait rêvé de faire jeune. Mais amoindri par le chagrin, déchiré loin de sa patrie, il ne désire qu’une chose : rentrer en France. Ce ne fut rendu possible qu’en 1853. Il s’éteindra peu après en janvier 1856 à Paris, après un dernier séjour en Anjou, sa terre natale. (VB)

Date de création

1852, 20 mars

Lieu de création

Bruxelles

Technique

Plume et encre noire

Mesures

Hauteur en cm : 21,5

; Largeur ouvert en cm : 27,2

; Largeur en cm : 13,6

Description

Lettre de quatre pages

Inscriptions / marques

Lettre

; "Bruxelles, 20 mars 1852
Bon et cher ami,
Ta première lettre m’a été remise en prison, c’était un rayon de soleil traversant les barreaux de fer de mon cachot, ta dernière me parvient dans ma nouvelle prison de l’exil, car comme disait Danton « on emporte pas la terre de la patrie à la semelle de ses souliers ».
Connaissant mon tendre attachement pour toi tu dois comprendre combien je dois partager toutes les douleurs qui s’accumulent sur toi avec une violence telle que l’on serait en droit de maudire un sort si aveugle.
Pour changer ma prison à Bruxelles, j’ai parcouru la Belgique, j’ai passé huit jours à Bruges, tous les jours j’allais à l’hôpital Saint-Jean admirer les sublimes peintures de Memling. C’était un militaire malade et recueilli dans cet hospice par des bonnes soeurs hospitalières, pour les payer il a exécuté des chefs-d’oeuvre, c’est payer en noble artiste, la date de la reconnaissance. Ce maître et Van Eyck sont les seuls peintres dignes à ce nom, comme les Rubens et toutes son école sont boursouflés et grossiers avec leur prétention à ce qu’ils appellent la couleur tous ces tons, verts, jaunes et rouges, qui sont plutôt l’indice de l’infirmité humaine, quelle différence avec la peinture de ces monstres adorés. Là, tout est dans la lumière, et cependant les figures ont une saillie convenable [Jouin écrit : « inconvenable »], l’imagination fait le reste, la chair des personnages est pure comme leur âme, les gestes sont sobres de mouvement et de dramatique qui vous saisit par la vérité naïve, ce trompe l’oeil dont nos prétendus coloristes font tant de cas est faux comme le mensonge et ne convient qu’à de petits tableaux de genre, l’histoire est trop grave pour supporter ce sensualisme [Jouin : « séduction »] des sens.
J’ai vu avec intérêt les églises et les hôtels de ville, pure expression du gothique dont chaque ville conserve précieusement les restes, les monuments religieux, revêtu de la teinte des siècles frappent d’imagination par leur forme singulière par l’immobilité de leur sculptures, de ses nervures, de ses flèches, qui peignent bien la sombre et orageuse existence de l’homme, c’est de la douleur pétrifiée, malgré moi mon imagination se porta vers ces trois temples grecs qui sont depuis des siècles dans la plaine de Paestum, ils ont perdu leurs sculptures, il n’y a plus que le squelette, mais sublime par ses lignes majestueuses et nobles, ils ne menacent pas le ciel comme les monuments gothiques, qui semblent lutter contre les orages et vouloir percer panne mais il sont en rapport avec le ciel qui les aiment et les protègent.
J’ai passé plusieurs jours à Ostende, dès le matin jusqu’au soir, je restais sur la jetée qui s’avance hardiment au milieu de la mer, là tout seul je vivais avec mes pensées hélas aussi tourmentées que les flots, qui venaient hurler contre la charpente, un jour j’ai eu le bonheur d’assister au spectacle d’une tempête, j’étais obligé de me cramponner à une pièce de bois afin de ne pas être emporté dans la mer, un navire arriva trop près de la jetée, il est lancé sur l’une des pièces de bois qu’il déchire et fait tomber dans la mer sur ce morceau de bois, j’avais remarqué une très grande quantité de noms de voyageurs, les uns gravés profondément avec l’acier, d’autres plus modestement au crayon, les écrivains pensaient léguer leur noms à l’avenir, et bien cette pièce de bois aura été jetée sur le rivage, la femme d’un pauvre pêcheur l’aura recueilli pour préparer le repas et réchauffer les membres engourdis de la famille, voilà la gloire.
Me voilà de retour ici, traînant péniblement ma vie au milieu de ces figures ternes comme les canaux bourbeux qui sillonnent les villes de la Belgique, même dans les joies du carnaval ils ne peuvent s’animer, s’ils s’agitent c’est comme des pots de bière qui se heurtent, mais ma seule consolation a été de voir toutes les belles petites têtes blondes d’enfants, l’homme sortant de la création est beau, et lorsque la vie s’en est emparée il prend des passions, une marque hideuse, affligeant à voir.
On entend peu de musique dans ce pays mais j’ai entendu un soir dans une rue de Louvain qui m’a profondément affecté, dans une pension de jeunes élèves jouaient, où peut-on être mieux, qu’au sein de la famille. Ce souvenir m’a fait pleurer amèrement et passer une nuit bien douloureuse.
Mon cher ami, mon étoile commence à pâlir et cela à la fin de ma carrière, il y a déjà près d’une année qu’un navire auquel les habitants de Dunkerque aient donné mon nom s’est perdu corps et âmes sur des rochers. Je viens de lire dans un journal que le buste colossal du général Lafayette que j’avais donné à l’Amérique, vient d’être totalement détruit dans l’incendie de la bibliothèque de Washington, on va démolir le fronton du Panthéon, et enfin je suis exilé.
[...] que ma plume ne trace que ces notes qui me concernent tandis que toi tu te trouves accablé sous les coups les plus terribles du sort excuse ce retour sur le triste sort de l’homme sur la terre et qui peint la sombre mélancolie qui ronge ma vie, et presque à sa fin, m’empêche de réaliser quelques ouvrages que j’espérais exécuter et enfin la solitude dans laquelle je vis n’est pas faite pour me donner le courage nécessaire pour cette lutte.
Adieu, adieu, mon cher Victor, penses quelques fois à ton vieil et constant ami.
David d’Angers
Dis à Mme Pavie que je lui souhaite tout le bonheur possible et ne m’oubli pas non plus auprès de ton père."

Poinçon

; en haut

; poinçon visible sur les deux feuillets

Marquage numéro d'inventaire

; non vu

Domaine

Correspondance David

Collection antérieure

Collection privée

; Pavie Marie France

; 1997 : Date de vente

Statut administratif

1997.21 Achat Pavie

Localisation de l'objet

Exposé à la Galerie David d'Angers

N° d'inventaire

1997.27.18

Crédits photographiques

Les hautes définitions sont sur disque dur externe.

; Les hautes définitions sont sur disque dur externe.

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; Les hautes définitions sont sur disque dur externe.

; Les hautes définitions sont sur disque dur externe.

Musées (par registres d'inventaire)

Galerie David d'Angers (annexe MBA)

Bibliographie

Jouin, 1890, David d'Angers et ses relations litté

  • Jouin(Henry):David d'Angers et ses relations littéraires. Paris:Plon,1890.

Jouin(Henry):David d'Angers et ses relations littéraires. Paris:Plon,1890.

; p. 295-297 (passage supprimé)